Débat 2013 : Vers une réorientation de la politique agricole française ?
RAPPORTEUR DE L'AVIS DU CESE
Régis HOCHART est agriculteur dans le Tarn et Garonne. De par ses engagements syndicaux (Confédération paysanne), il connaît bien les mécanismes de la PAC. Membre du conseil économique, social et environnemental (CESE), il est le rapporteur de l'avis formulé sur la réforme de la Pac de l'après 2013 en mai 2011.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il précise que « tout n'est pas encore finalisé ». Cependant, les éléments de la transcription franco-française de la réforme seront rapidement connus.
Autre point important à ses yeux, « Nous avons tendance à oublier que la PAC, ce n'est pas uniquement de l'argent. Les aides sont conditionnées à des modalités et la PAC détermine également les règles de mise en marché. La politique agricole est constituée de cet ensemble de mesures ».
DES AIDES FIGÉES DANS UN MARCHÉ FLUCTUANT
De 1962 à 1992, la rémunération des producteurs était assurée par des prix garantis. Puis, début des années 1990, les instances européennes ont décidé de baisser les prix intérieurs au niveau des prix mondiaux avec, en contrepartie, des aides compensatrices aux producteurs.
Les prix du marché ont évolué mais le système des aides est resté figé. Le raisonnement libéral est que, pour ne pas fausser le marché, les aides doivent être déconnectées de la production.
« Nous en arrivons à des choses complètement contradictoires. Le ratio 80 % des aides vont à 20 % des agriculteurs n'a pas été bouleversé » constate Régis HOCHART. Des régions agricoles riches perçoivent des soutiens importants. Les aides sont liées au nombre d'hectares et non à la densité de main d’œuvre.
« Le revenu moyen 2012 s'établit à 30 000 € par UTA (unité de travail agricole). Mais il varie de 75 000 €/UTA en grande culture à 17 000 €/UTA en élevage bovin. Indépendamment que les prix soient rémunérateurs, il faut que les soutiens publics aillent au bon endroit » plaide le membre du CESE.
AIDER LES PETITES STRUCTURES ET LES ÉLEVEURS
Tandis que les modes de production industriels posent de plus en plus de problème, force est de constater que les emplois agricoles sont dans les petites et moyennes exploitations et dans les systèmes d'élevage.
En moyenne, il faut 1,1 UTH pour 100 ha dans les exploitations orientées en grande culture tandis que 2,4 UTH sont nécessaires pour 100 ha dans celles orientées en lait.
Arrivé dans les années 2010, le commissaire européen Dacian CIOLOS proposait de soutenir l'emploi paysan et l'environnement. Il n'en reste que le volet environnement et le principe d'une aide à l'hectare identique.
Pour soutenir les éleveurs et les plus petites structures, dans les négociations européennes, le ministre de l'agriculture français a pesé en faveur du maintien des aides couplées et a décroché la possibilité de surprimer les premiers hectares.
AIDES COUPLÉES ET SURPRIME
Considérant que l'élevage qui a tendance à disparaître au profit des céréales est une activité majeure pour l'emploi et les territoires, les aides couplées seront particulièrement mises à contribution pour soutenir les éleveurs.
Par ailleurs, chaque État membre peut consacrer jusqu'à 30 % de son enveloppe (aides du 1er pilier) à la majoration des aides sur les premiers hectares.
En France, les projections d'une surprime des 52 premiers hectares donnent comme ordre de grandeur un montant moyen de 160 € par hectare porté à 320 € pour les 52 premiers. « Jusqu'à 100 ha, l'exploitation est gagnante. En moyenne, cela améliore la situation des éleveurs... mais pas tous. Cela risque de diminuer pour les laitiers en système maïs-soja ».
« J'espère que le ministère utilisera tous les leviers qu'il est allé chercher et qu'il ne sera pas trop sensible aux hurlements de la Fnsea qui ne veut pas de la surprime. Le paradoxe serait que les Fdsea des départements d'élevage et de petites exploitations emboîtent le pas de la direction nationale ».
CHEZ NOUS, DANS LES LANDES
Dans le département des Landes, le montant moyen des DPU est plus élevé qu'ailleurs.
Pour autant, il ressort du débat que le raisonnement à l'échelle de la « ferme Landes » n'est pas pertinent. « Il faut analyser plus finement dans quels types d''exploitation les soutiens vont diminuer et surtout dans quelles exploitations il ne faut pas que cela baisse ». Dans cette perspectives, Régis HOCHART invite à se pencher sur les aides du second pilier (transformation, commercialisation...) et les aides couplées qui viseront l'autonomie en protéines.
Dans la mesure où l'objectif est de rééquilibrer les aides, il est logique que ceux qui ont des soutiens importants et des revenus confortables (céréaliers) voient le montant de leurs aides baisser. Cela ne sera que justice. En revanche, si on ne permet pas aux éleveurs de gagner correctement leur vie, le risque de cessation d'activité d'élevage serait dommageable pour l'ensemble de la collectivité.