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Accueil MODEF / Dossiers / Actifs et emploi agricoles / La Fnsea prend le contrôle du titre d'agriculteur

La Fnsea prend le contrôle du titre d'agriculteur

Voici la quasi intégralité de la tribune libre signée par Jacques Rémy, sociologue et publiée dans le Monde le 19 septembre 2014.
La loi d'orientation dite loi d'avenir a été définitivement adoptée le 11 septembre. Elle comporte des innovations non dénuées d'intérêt, tels les futurs GIEE auxquels on souhaite de connaître une plus longue vie que les CTE créés par la loi de 1999 mais qui n'ont pas survécu à l'alternance politique de 2002.
En revanche, la représentation nationale risque de faire de l'agriculture une sorte de profession protégée, alors même que l'on proclame par ailleurs la nécessité d'ouvrir à la concurrence ce type de professions.
En instituant un « registre des actifs agricoles » (qui ne prend d'ailleurs pas en compte les actifs que sont les ouvriers agricoles), le législateur donne en effet corps à un vieux rêve, celui de la Corporation paysanne fondée sous le régime de Vichy.
La Fnsea prend le contrôle du titre d'agriculteur

Jacques Rémy, sociologue et auteur de la tribune libre

En réponse à la demande insistante du syndicalisme agricole majoritaire et de ses alliés, le ministre de l'agriculture s'est vu conduit à déposer en toute hâte un amendement gouvernemental à son projet de loi initial, peu avant sa discussion à l'Assemblée nationale.

Selon cet amendement, ce registre devait tout d'abord être « un répertoire des actifs agricoles » confié à la MSA qui devait prendre en compte tous ses affiliés. C'était là un compromis, puisque l'on ne cédait alors pas aux pressions de la FNSEA qui tenait à ce que cet outil soit confié à l'APCA (chambres d'agriculture), instance qu'elle contrôle directement.

Mais le lobbying de la profession établie s'est poursuivi, si bien que les débats au Sénat ont conduit celui-ci à soutenir les exigences du syndicat dominant et à substituer le registre au répertoire... et à confier sa tenue à l'APCA. En fin de compte, le ministre et son cabinet, sous pression constante, ont consenti à céder, là encore, aux sollicitations pressantes et les députés ont entériné cette dérive en 2e lecture.

Ce qui est en jeu ici c'est le contrôle par un syndicat du titre même d'agriculteur. Cette exigence renvoie à des enjeux financiers considérables : la Commission européenne a demandé aux 28 pays membres de déterminer cette année qui, selon eux, était un « actif agricole », et par là, qui pouvait accéder aux aides européennes.

On comprend que la FNSEA ait engagé un lobbying particulièrement intensif : dans un contexte de réduction progressive de la manne européenne, il importe pour le syndicat dominant de veiller à ce que la distribution des aides soit réservée à ceux qu'elle désigne comme « vrais agriculteurs » ou comme « véritables professionnels », termes qu'il convient de relativiser quelque peu sachant que plus de 80 % des agriculteurs en activité sont eux-mêmes fils (ou filles) d'agriculteurs, donc des héritiers désignés avant même toute qualification professionnelle (…).

Mais quels sont les critères pour définir un agriculteur « professionnel » selon la FNSEA ? Le texte qui fait autorité est le rapport d'orientation. Que nous dit-il ? Que le critère de temps de travail ne doit pas être pris en compte. En fait cet indicateur placerait dans une situation fort embarrassante nombre de céréaliers (et aussi de viticulteurs) dont le temps de travail annuel demeure bien en deçà d'un mi-temps.

Selon le rapport et les déclarations de nombre de responsables, le véritable critère qui doit être retenu est la mesure de l'activité par le chiffre d'affaires (avec 4 critères : la SAU, le chiffre d'affaire, le revenu retiré, la production brute standard)(…).

Un agriculteur professionnel serait donc un agriculteur bien doté, installé, à l'aise. C'est donc à ce type de professionnels là que serait réservé l'accès aux aides. Une telle conception rapproche l'idéal professionnel vu par la FNSEA du mode de fonctionnement des professions à numerus clausus et statut spécifique dites « protégées ».

En contrôlant le registre de l'agriculture, le syndicalisme dominant joue les dynasties établies contre les nouveaux entrants, la clôture dans l'entre-soi contre l'ouverture à la diversité et à l'innovation : si ce registre avait existé il y a 30 ans, les entrepreneurs ruraux qui vendent en circuits courts et d'autres encore n'auraient pu s'établir car ils ne correspondaient pas aux modèles de l'agriculture intensive prônés alors par la FNSEA.

Professionnaliser l'agriculture, selon la FNSEA, c'est sélectionner les élus, les siens et éliminer les déviants, les outsiders, les petits producteurs, les jeunes -ruraux ou nouveaux venus- qui aspirent à s'installer et à bénéficier, eux aussi, et fort légitimement, des aides à l'agriculture.

Auteur : Jacques RÉMY, sociologue qui a été chercheur au CNRS et à l'INRA.

Tribune publiée dans le quotidien Le Monde daté du 19 septembre 2014.

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