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Débat 2008 : Quand les famines interrogent les politiques agricoles ?

En 2008, le débat a porté sur la crise alimentaire qui a causé les récentes émeutes de la faim dans les pays du Tiers monde. Marcel MAZOYER, professeur émérite à l’Institut National Agronomique Paris-Grignon, y a expliqué les mécanismes qui sont à l’origine des famines et les solutions possibles.
Débat 2008 : Quand les famines interrogent les politiques agricoles ?

De gauche à droite : Marcel MAZOYER (professeur émérite à l'INAPG), Christophe MESPLEDE (président du MODEF des Landes) et Raymond GIRARDI (secrétaire général du MODEF national)

La faim : un problème de pouvoir d'achat

La médiatisation de la dernière crise alimentaire de 2008 a permis de sensibiliser l’opinion publique. « Pourtant, la faim dans le monde n’est pas quelque chose de nouveau ! » déclare Marcel MAZOYER.

En premier lieu, il souligne que la faim est avant tout un problème de pouvoir d’achat : la hausse des cours des matières premières agricoles a frappé de plein fouet les populations des bidonvilles qui gagnent moins d’un dollar par jour. Cette catégorie de consommateurs achète en effet des produits de base peu ou pas transformés. Cette explosion des prix, qui trouve son origine dans la quasi rupture des stocks, a été la cause des récentes émeutes de la faim.

 Une crise prévisible

De la fin des années 1970 à 2007, les cours mondiaux des matières premières agricoles n’ont fait que baisser. Un seul exemple : en euros d’aujourd’hui, le prix international du blé (Chicago) est tombé de 600 € la tonne en 1975 à moins de 100 € l’année dernière. Ces trente années de baisse ont représenté une vraie catastrophe pour les paysans des pays du Tiers-monde qui, ne bénéficiant ni d’une protection douanière suffisante ni de subventions comme les agriculteurs américains ou européens, subissent la concurrence des exportateurs les plus compétitifs.

La majorité des paysans de ces pays travaillent avec des outils strictement manuels sur moins de 1 ha par travailleur ; ils n’utilisent le plus souvent ni semences sélectionnées, ni engrais, ni traitement et obtiennent des rendements généralement inférieurs à 1 tonne de grain par hectare (et donc par travailleur) avec un coût de production supérieur à 400 € la tonne. Ces paysans ne peuvent donc pas survivre à des importations de céréales à moins de 100 € la tonne.

Cela les a obligé à abandonner leurs terres et à chercher d’autres sources de revenus en ville ou à l’étranger. Avec le départ de la main d’œuvre valide, la production agricole a plafonné et n’a pas pu suivre l’augmentation de la demande solvable et de la consommation. Sur le long terme, cela a fini par entraîner une baisse des stocks. Le libre-échange agricole qui supprime peu à peu les possibilités de régulation des marchés a accentué ces énormes fluctuations.

Le libéralisme au service de l'agrobusiness

Les terres abandonnées par les paysans ruinés sont rachetées à bas prix par les grands capitaux de l’agrobusiness, pour y pratiquer une agriculture à grande échelle, destinée à l’exportation, dans les pays de grands domaines (plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’hectares) à bas salaires (1 à 5 € par jour) d’Amérique Latine, d’Afrique du sud, dans certaines régions d’Asie du sud-est, ainsi que depuis les années 1990 dans les pays d’Europe centrale et orientale, où les paysans expropriés sont devenus des salariés agricoles sous-payés.

Politique de prix rémunérateurs et de recherche

La véritable solution passe d’abord par une politique de prix agricoles qui garantit un revenu à ces paysans, une politique de prix qui tienne compte des conditions locales de production. Sans revenu paysan, il ne peut y avoir ni investissements, ni développement rural ! Il faut cesser de mettre en concurrence les paysans qui travaillent manuellement avec les céréaliers capitalistes argentins qui peuvent produire du grain à 70 € la tonne ou même avec des céréaliers familiaux européens qui peuvent en produire à 180 € la tonne.  Et comme les pays agricoles pauvres n’ont pas les moyens de leur verser des subventions, le seul moyen pour leur assurer un revenu suffisant est de les protéger des importations par un tarif douanier variable.

M. MAZOYER cite l’exemple de la Suisse. Ce pays a calé son système de prix payés aux agriculteurs sur les coûts de production des paysans les moins productifs, en zone de montagne. Bien sûr, un tel niveau élevé de prix pourrait enrichir à l’excès les agriculteurs et les propriétaires fonciers des régions plus favorisées. Mais une politique de redistribution via l’impôt foncier et l’impôt sur le revenu peut corriger cela.

Mais les politiques de prix ne font pas tout. Le développement devra également être accompagné par des investissements publics dans les infrastructures et la recherche. M. MAZOYER plaide pour que la recherche publique soit d’abord au service des paysans les plus pauvres, des régions les plus pauvres : ceux qui ont les rendements les plus faibles.

Mais pour instaurer ou restaurer partout des politiques agricoles et alimentaires capables de régler la question de la pauvreté et de la sous-alimentation, il faut commencer par rompre avec la libéralisation des échanges agricoles internationaux que les gouvernements des pays développés, avec l’aide de quelques autres, et la relative passivité du reste, ont imposée au monde depuis l’Uruguay round et les accords de Marrakech.

Tout cela suppose, comme l’a rappelé Raymond GIRARDI, secrétaire général du MODEF national, que chaque pays ait le droit à la souveraineté alimentaire et donc qu’il est urgent de sortir ce secteur des négociations OMC.

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