Terr'Arbouts, le compte n'y est toujours pas

Le 10 octobre, après plus de 3 heures de discussions, la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), a décidé d'ajourner le vote sur le projet Terr'Arbouts et ses 700 hectares de panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles au coeur des Landes (communes de Saint-Gein, Hontanx, Pujo-le-Plan, Le Vignau, Castandet et Maurrin). La préfète des Landes, Françoise Tahéri, a motivé ce report par l'absence de garanties apportées par le promoteur GLHD et l'association Patav sur le respect du bail rural, du statut du fermage et du contrôle des structures, ainsi que sur l'engagement en faveur du "zéro phyto". Des arguments portés depuis plusieurs mois par le Modef des Landes, la Confédération paysanne et leurs partenaires.
Ce mardi 14 novembre, le dossier sera à nouveau soumis au vote de la Commission. Pourtant, les réponses apportées par les promoteurs ne correspondent en rien aux exigences formulées lors du premier examen :
- Sur la structure juridique du projet, la CDPENAF demandait ainsi : "Afin de garantir la pérennité de l’activité agricole et le maintien des exploitations agricoles, il sera conclu des baux ruraux entre les sociétés de projet et les exploitants agricoles des parcelles concernées, en s’appuyant sur le strict respect des règles qui régissent le marché du foncier agricole, notamment le statut du fermage".
A cela, les promoteurs répondent que "le statut historique du bail rural ne permet pas d'assurer le financement bancaire d'un projet d'envergure comme celui de Terr’Arbouts, ni donc sa construction puisqu’il ne peut être financé sur fonds propres". Ils sortent alors de leur chapeau une "Convention rurale agrivoltaïque", signée entre l'exploitant et l'opérateur solaire. Celle-ci prétend se substituer au Droit rural et marque un recul sans précédent du contrôle des structures et des droits des exploitants, puisqu'elle stipule clairement que le porteur de projet, en lien avec la Chambre, décidera du renouvellement des générations et du choix de l'exploitant sous les panneaux. On imagine mal les représentants de l'Etat, élus locaux et autres membres de la CDPENAF, accepter qu'un dispositif privé vienne supplanter les règles établies par le Législateur et pour lesquelles les agriculteurs se sont battus pendant des années.
- Sur les pratiques culturales, la CDPENAF prescrivait au premier examen : "Afin de garantir la préservation de la qualité de l’eau et le passage à un mode de production zéro-phyto ou Bio, toutes les parcelles PATAV feront l’objet d’un contrat conclu entre les parties prenantes (propriétaires, exploitants, énergéticien) imposant des obligations réelles environnementales ou des clauses environnementales dans le bail rural. Ces contrats seront contrôlés chaque année par un organisme certificateur afin de s’assurer du respect de ces obligations sur l’ensemble des parcelles PATAV. Les rapports de contrôle seront transmis à la DDTM."
Là encore, les porteurs de projet ne semblent pas disposés à se plier aux exigences de la CDPENAF. Nulle part dans leur réponse n'est indiquée la volonté de s'engager sur le zéro-phyto ou le Bio. Tout juste se contentent-ils de brandir à nouveau leur "Charte" où il est fait mention de "bonnes pratiques", "d'agriculture responsable", et autres "solutions agroécologiques" (dont on sait bien ce qu'elles recouvrent), le tout "garanti" par "les protocoles de suivi technico-économique" de la Chambre d'Agriculture, laquelle n'est pas un organisme de contrôle et de certification des pratiques. On en vient à douter de la sincérité de l'argument initial, à savoir la reconquête de la qualité des eaux de captage…
En outre, il paraît inconcevable pour la Commission de valider un projet de cette ampleur, alors que les décrets de la Loi du 10 mars n'ont toujours pas été publiés. Ceux-ci doivent en effet déterminer "les conditions de déploiement et d'encadrement de l'agrivoltaïsme, en s'appuyant sur le strict respect des règles qui régissent le marché du foncier agricole, notamment le statut du fermage et la mission des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, la politique de renouvellement des générations et le maintien du potentiel agronomique actuel et futur du sol" (Article V de la Loi). Les décrets doivent également trancher des aspects fondamentaux de ce type de projets comme le taux de couverture des parcelles pour garantir une production agricole, la question de la réversibilité, du partage des revenus, et jusqu'à la définition même de la notion de "production agricole principale"…
Autant de points que semblent ignorer les promoteurs du projet Terr'Arbouts, comme ils ignorent les dernières prescriptions de la CDPENAF en matière de Droit rural et de pratiques culturales. Dans ces conditions, celle-ci ne saurait donner autre chose qu'un avis négatif à ce projet qui représente une menace considérable pour nos droits, nos paysages et pour la souveraineté alimentaire de notre territoire.