Débat 2010 : Quelle politique agricole après 2013 ?
Pour ouvrir le débat, le syndicat avait invité Patrick LE HYARIC, député européen Front de gauche, Ivan ALQUIER, vice-président de la FNCUMA en charge de la coopération internationale et Jean MOUZAT, président du MODEF national.
Des prix rémunérateurs
En avril dernier, le commissaire européen chargé de l’agriculture, Dacian CIOLOS, a lancé un débat public sur l’avenir de la PAC après 2013. Le Parlement européen y a apporté une première contribution en adoptant en juillet dernier le rapport de M. Georges Lyon. « Ce rapport insiste sur les nouvelles fonctions que l’on va assigner à l’agriculture », souligne Patrick Le HYARIC, c'est-à-dire en termes de qualité alimentaire, de préservation de l’environnement… Mais sa grande faiblesse est qu’il ne pose pas « la question fondamentale de la rémunération du travail des paysans ».
Selon l’eurodéputé, les contrats à terme entre le secteur amont et aval, considérés par le gouvernement et le syndicalisme majoritaire comme la solution face à la baisse des prix, ne garantiront pas des prix rémunérateurs aux producteurs. « Ce système de contractualisation mettra les agriculteurs en situation d’infériorité », dénonce-t-il. Aussi, le député propose de fixer des prix de base garantis intra européens.
Réguler les marchés
La réforme de la PAC doit rétablir des dispositifs de régulation pour atténuer les fluctuations de prix. La récente flambée des cours des céréales n’est pas le « résultat d’un phénomène naturel. C’est de la pure spéculation », fustige Patrick LE HYARIC. Les stocks mondiaux de céréales sont bien plus élevés qu’en 2007-2008, « on aurait pu les utiliser pour stabiliser les prix, mais on a refusé de le faire » accuse-t-il. Résultat : Les spéculateurs s’enrichissent sur le dos des consommateurs et cela crée des dissensions entre agriculteurs. « Pour les agriculteurs, la vente sur les marchés à terme remet en cause l’un des fondements de la coopération : vendre au même prix » ajoute Ivan ALQUIER.
Le député européen revendique un retour aux mécanismes de régulation des marchés qui existaient et qui, d’après lui, ont été démantelés pour adapter la PAC aux normes imposées par l’OMC. Il s’agit des quotas de production qui consistent à garantir un prix pour un volume de production défini, un système qui a montré toute son efficacité dans la filière laitière. Des offices européens d’intervention doivent également être instaurés pour réguler les volumes de production. Mais, cette régulation des marchés nécessite des accords coopératifs entre les continents.
La coopération doit rester un pilier de la Pac
Autre défi de la réforme, soutenu par Ivan ALQUIER et Jean MOUZAT, une répartition plus équitable des aides entre agriculteurs. Depuis 1992, l’attribution des aides PAC sans plafonnement des surfaces a contribué à l’agrandissement des exploitations agricoles. Mais, à terme, ces exploitations deviennent intransmissibles. « Le risque est d’aboutir à une agriculture de firme comme cela se dessine dans les pays africains », appréhende le responsable CUMA. Les campagnes « se désertifieraient » ce qui aurait des conséquences économiques et sociales graves.
Pour Ivan ALQUIER, la mise en place d’organisation collective est un moyen de maintenir un tissu dense de petites et moyennes exploitations agricoles tout en répondant à un défi d’économie d’échelle. Au-delà du matériel agricole, les exploitations peuvent se regrouper pour transformer ou mettre en marché. « La Commission européenne doit avoir l’ambition de promouvoir ces outils coopératifs », plaide le vice président de la FNCUMA.
Assurer sa propre sécurité alimentaire
Ce modèle d’organisation collective, les CUMA l’ont exporté en dehors des frontières de l’hexagone, dans des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Europe de l’Est. Le partenariat créé avec le Bénin il y a une quinzaine d’années a permis de moderniser l’agriculture locale de ce pays via une mécanisation partagée.
Les émeutes de la faim de l’année 2008 ont laissé un souvenir amer. « Il faut que chaque bassin de production puisse développer une agriculture vivrière pour assurer son autonomie alimentaire », affirme d’une même voix Ivan ALQUIER et Jean MOUZAT. De plus, le président national du MODEF insiste sur le fait que chaque peuple doit pouvoir accéder à une alimentation de qualité.
Ce vaste débat n’est pas terminé… Patrick LE HYARIC, Jean MOUZAT et Ivan ALQUIER appellent donc tous les citoyens à se mobiliser ces deux prochaines années et à s’engager dans les discussions pour refonder la politique agricole, alimentaire, territoriale et environnementale de l’Europe.