Débat 2016 : Produits locaux et de qualité, et si les consommateurs prenaient le pouvoir ?
« NOUS COURONS AU CHAOS »
« Si nous continuons à surproduire, si nous continuons à consommer au rythme des pays développés, nous courons au chaos », avertit Périco LÉGASSE.
Selon lui, notre système implosera. L'enjeu est donc l'avenir de la planète. Et quand il dit cela, Périco pense évidemment à la dimension environnementale mais pas uniquement. Les problématiques sont liées. Il ne s'agit pas seulement de préserver les sols, l'eau, mais également notre civilisation qui, précise-t-il, repose sur la façon dont on traite la Terre. Il s'agit aussi d'un enjeu social.
« Perdre notre culture alimentaire du repas pris ensemble met à mal le vivre ensemble », explique t-il.
Et de préciser que la conversation autour de la table est une leçon des sciences de la vie, une occasion de savoir quels sont les produits que nous consommons, d'où ils viennent. « Se retrouver autour de la table est un acte d'humanité et de partage, un élément majeur de notre civilisation », poursuit l'intervenant.
UNE HISTOIRE D'HOMMES
« Les agriculteurs devraient être reconnus pour les bienfaits qu'ils apportent. Il faut soutenir les paysans qui se donnent du mal pour nous donner du plaisir en achetant ce qu'ils produisent. Sinon, dans quelques dizaines d'années, il n'y aura plus de paysans comme ceux du Modef ! », souligne Périco LÉGASSE.
D'après lui, l'industrialisation de l'agriculture est en train de ruiner la France. Au sortir de la seconde guerre mondiale, l'Allemagne a misé sur son industrie pour reconstruire son économie. Pour rester dans la course, la France décide de s'appuyer sur un de ses points forts : l'agriculture. Le pari peut se résumer ainsi : industrialiser l'agriculture pour prendre des parts de marché et tailler sa place.
« Il faut revenir à une agriculture familiale et non de trust, non une agriculture de concentration », pose au contraire l'intervenant du débat. Les agriculteurs doivent pouvoir rester les maîtres de leur système de production, de leur façon de travailler car « l'agriculture c'est une histoire d'hommes », affirme Périco.
CELA NE TOURNE PAS ROND
« Plus récemment, notre partenaire allemand a décidé de faire du cochon à l'échelle industrielle mettant à profit la main d’œuvre moins chère dont il dispose. En faisant cela, il a cassé la filière porcine en France. Je pensai que l'Union européenne c'était justement pour empêcher cela ! », insiste le journaliste.
Puis il décrit les conséquences : des producteurs de porcs bretons se pendent et des salariés des abattoirs ne savent pas qu'en achetant du porc moins cher, d'origine allemande, ils fragilisent leurs emplois.
Périco LÉGASSE constate qu'il existe une collusion entre la grande distribution et les pouvoirs publics. « La France continue d'être le pays où la grande distribution se développe encore », commente t-il. « Et, objectivement, la stratégie de la Fnsea qui repose sur produire toujours plus à moindre coût sert les intérêts de la grande distribution », complète l'intervenant.
D'où une première invitation à l'adresse des consommateurs : « Nous devons nous émanciper au maximum de la grande distribution qui fait tout pour qu'on consomme mal parce qu'elle veut faire des profits ».
LE POUVOIR DE CHOISIR
Face au constat qu'on se doit d'agir pour éviter le chaos sur le plan économique, politique, écologique et social, Périco LEGASSE préconise un mode d'action à la portée de chacun : utiliser ses achats alimentaires comme un acte politique. Comment ? En choisissant ce qu'on achète. En se demandant si ce qu'on achète a un impact bénéfique ou défavorable sur l'environnement ? Est ce qu'il fait vivre correctement le producteur ? Autrement dit : d'où vient le produit et comment a-t-il été produit et distribué ?
« Si ne serait-ce que 5 %, 10 % voire 20 % des consommateurs s'emparaient de ce pouvoir, cela pourrait mettre une pagaille monstre ! », lance avec un air amusé Périco LÉGASSE.
« Avant de voter, avant d'acheter une voiture, on réfléchit. Mon propos est d'inviter à consacrer un peu plus d'attention à ce que nous consommons. Et ne pas chercher à consacrer le moins d'argent possible à l'alimentation. Il y a quelques décennies, la part de l'alimentaire représentait 21 à 22 % du budget d'un foyer. Aujourd'hui, elle ne représente plus que 5 à 8 % ! », déclare le chroniqueur.
« Il est vrai que certains n'en ont pas les moyens. Mais beaucoup ont la possibilité de changer leur mode de consommation, de faire d'autres choix, au moins sur quelques jours de la semaine », fait remarquer Périco.