Michel Bonadéo, 25 ans de Sica bio

Michel Bonadéo, 25 ans de Sica bio

Michel Bonadéo, 25 ans de Sica bio

La Sica Bio Pays Landais a fêté ses 25 ans au mois de juin. Retour sur un quart de siècle d’aventure commerciale et humaine avec un de ses instigateurs, Michel Bonadéo, toujours cogérant de la structure qui regroupe aujourd’hui une centaine d’apporteurs et réalise plus de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.
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Comment est née la Sica bio Pays Landais ?

C’est une longue histoire. Je suis entré au Civam bio des Landes en 1996, à une époque où il récupérait pas mal d’adhérents suite aux épisodes de la vache folle et d’autres dérives agro-industrielles. J’accompagnais les agriculteurs dans ce qu’on appelle les pratiques agro-environnementales, le désherbage mécanique, le paillage, la protection des cultures sans produits de synthèse, le compostage, etc. L’Etat aidait le mouvement avec ses aides à la conversion bio. Il y avait trois producteurs bio dans les Landes en 1996 et une centaine en 2000 ! L’un d’eux cultivait du blé bio sur Duhort-Bachen et Michel Guérard, l’apprenant, nous a demandé de faire du pain bio à l’eau d’Eugénie-les-Bains. On a créé un projet associatif, Terre Bio des Landes, afin de promouvoir les produits bio et on a lancé des marques comme Bio Pays Landais, le Panier biologique, etc., avec l’aide de Henri Emmanuelli et du Conseil départemental. C’était une époque très porteuse pour le bio.

 

Et de l’association à la Sica ?

Christophe Sartre s’est installé à ce moment-là à Saint-Jean-de-Marsacq pour faire du maraîchage bio sur une ferme de 3-4 hectares. Il est venu me voir au Civam et on a monté chez lui un premier point de groupage des fruits et légumes, mais aussi de farine et de volailles, avec d’autres producteurs. En 2000, le régime des associations dans le domaine commercial a été modifié et on s’est retrouvés assujettis à la TVA. Il fallait changer de braquet et passer en SARL. On part alors de zéro : on va chercher du fruit en Lot-et-Garonne, quelques agrumes en Espagne, on agrège des Béarnais et des producteurs de Nouvelle-Aquitaine et on monte un premier frigo chez Christophe Sartre à Saint-Jean-de-Marsacq, puis un deuxième, avec un petit bureau. On embauche un préparateur de commandes, une commerciale, une comptable…    

 

Qui sont vos premiers clients ?

On travaille avec les magasins Guyenne et Gascogne, Intermarché à Dax, les Biocoop Sésame de Dax et Parme d’Anglet... Puis on récupère des référencements chez Carrefour, Leclerc, auprès des centrales d’achat… En 2008, c’est l’avènement des marques distributeur, Carrefour nous sollicite pour des produits bio et on prend la balle au bond sur des produits à gros volume commes les courgettes, les carottes, tomates, pommes de terre et kiwis. On part à la recherche d’un nouvel entrepôt car ce n’est plus gérable à Saint-Jean-de-Marsacq. On se positionne sur la nouvelle zone Atlantisud de Saint-Geours-de-Maremne mais les délais sont longs et on croule sous les commandes alors en 2007, on loue un entrepôt de 700 m2 à Tyrosse. Puis en 2011, on achète un terrain à Atlantisud et on monte notre propre entrepôt.

 

L’activité suit ?

On a un petit creux car la concurrence s’installe sur le marché, alors on se repositionne sur les produits où on est compétitifs et on continue à monter en puissance. On agrandit l’entrepôt en 2018, qui passe à 4 000 m2 avec 1 000 m2 de bureaux. Tous les indicateurs sont au vert, on se dit que le bio va doubler et passer à 30 % du marché dans les cinq ans, on ne parle que d’écologie, la production bio se développe… Puis vient le Covid, avec une super année pour nous et derrière, c’est l’inflation, la guerre en Ukraine, la flambée de l’énergie. Tout d’un coup, on ne parle plus que de premier prix et d’économies sur l’alimentation. Le consommateur prend peur et bien que nos prix n’aient pas augmenté, on perd un quart de notre chiffre d’affaires en deux ans.

 

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Comment réagissez-vous ?

On serre les boulons. On demande aux producteurs de réduire les emblavements pour éviter les invendus et aussi tenir les prix car eux-mêmes subissent la hausse des semences, de l’énergie, des carburants, des consommables. On ne parle plus de bio mais de local, ça fait moins peur ! On démarche de petits commerces alimentaires, des restaurants collectifs et commerciaux, on traite en direct avec des cuisiniers et des intendants et ça repart doucement.

 

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

On faisait 2-3 % de restauration collective en 2019, aujourd’hui cela représente 10 %. Le reste se répartit entre les magasins bio (25 %), les commerces non-sédentaires et les boutiques à la ferme (15 %), la grande distribution (30 %), l’expédition sur les marchés régionaux comme Rungis, le Min de Nantes, Rennes, Strasbourg, la Belgique, le Luxembourg (20 %). On constate une reprise dans tous ces secteurs. La grande distribution redémarre doucement sur le bio, les magasins spécialisés se sont éclaircis mais ceux qui restent s’en sortent bien, les marchés de plein vent aussi. Après deux années dans le dur, 2024 a confirmé la relance avec 17,5 millions d’euros de chiffre d’affaires et on devrait tutoyer les 20 millions en 2025.

 

Comment jugez-vous la dynamique du bio dans les Landes ?

On note un taux de reprise positif pour la plupart des fermes mais pas beaucoup d’installations. Ceux qui s’installent en bio sont souvent hors cadre familial et sur du 100 % circuit court. Ils ont peur d’avoir un expéditeur. Dans notre schéma, on a plutôt des jeunes qui reprennent la ferme des parents mais on a une belle dynamique de renouvellement.

 

Comment fonctionne la Sica ?

On dénombre 37 producteurs associés, une centaine avec qui on fait des achats dont une vingtaine qui apporte 80 % des produits et 50 salariés en CDI, des préparateurs de commandes, chauffeurs-livreurs, commerciaux, personnels administratifs… Les producteurs détiennent 75 % des parts sociales selon une règle de souscription à capital variable au pro-rata des apports avec un plafond à 10 %. Cela rend la structure vivante, avec un renouvellement de la gouvernance et l’entrée de deux à trois nouveaux producteurs chaque année. Cela évite aussi d’avoir des sociétaires non-actifs qui regarderaient plus les dividendes que les perspectives de développement et les projets. C’est ce qu’on voulait.