Raphaël Aïçaguer : « On a prouvé que ces races avaient un intérêt agricole »

Raphaël Aïçaguer lors de la journée de l'élevage du 6 septembre 2025 à Villeneuve-de-Marsan.

Raphaël Aïçaguer : « On a prouvé que ces races avaient un intérêt agricole »

Raphaël Aïçaguer : « On a prouvé que ces races avaient un intérêt agricole »

Raphaël Aïçaguer est chargé de mission au Conservatoire des races d’Aquitaine. Il travaille notamment sur les races ovines et l’écopastoralisme aux côtés des communes et des collectivités, ainsi que sur la valorisation en viande des animaux du Conservatoire, sur la conduite des projets avec les éleveurs, les actions de pédagogie et d’animation. Passionné de la culture gasconne, il défend les races locales, le territoire et son patrimoine génétique.

Comment est né le Conservatoire des races d’Aquitaine ?

Il a été créé en 1991 à l’initiative de l’actuel président Régis Ribereau-Gayon, qui a utilisé ses compétences en génétique et zootechnnie pour retrouver les dernières vaches bordelaises, les dernières brebis landaises, avec l’aide d’éleveurs locaux et parfois de pouvoirs publics, comme le PNR des Landes de Gascogne qui avait lancé une initiative sur la brebis landaise dès 1974. L’objectif est toujours de faire face à l’érosion de la biodiversité domestique en Aquitaine, région qui dispose d’un patrimoine zoogénétique exceptionnel avec une vingtaine de races locales. Nous sommes basés à Gradignan (33), sur le campus de Bordeaux Sciences Agro et nous recevons chaque année des ingénieurs de Bordeaux ou d’AgroParisTech qui viennent étudier les dynamiques génétiques sur ces races-là. Nous sommes une dizaine de salariés assignés à de nombreuses missions pour accompagner les éleveurs et les associations de races locales présentes sur le territoire de l’ancienne Aquitaine. 


 

Quelles sont ces missions ? 

Il y a tout d’abord une mission génétique : il s’agit de gérer génétiquement les races à très faible effectif, parfois moins de 100 individus, tout en évitant la consanguinité. Le conservatoire accompagne donc le programme de conservation pour une vingtaine de races locales (bovins, ovins, caprins, équidés, volailles, abeilles). Il est organisme de sélection pour 5 races locales : la brebis landaise, la vache béarnaise, la vache marine landaise, le mouton Sasi Ardi au Pays Basque. On travaille aussi sur l’animation du réseau d’éleveurs, puisqu’on n’est rien sans eux.


 

De quelle manière ?

Dans les Landes, on répond à des appels à projets ou on sollicite des financements de la Région ou du Département pour mener différentes actions : on mène par exemple un programme de conservation de la vache marine landaise sur le littoral, avec le soutien de la Fédération des chasseurs, un autre sur l’abeille noire des Landes de Gascogne, avec beaucoup d’apiculteurs concernés. On travaille encore sur le dindon landais, la seule race de dindon à peau jaune, sur le poney landais et sur d’autres races dont le berceau est à cheval sur les Landes et d’autres départements, comme la vache béarnaise ou bordelaise, car les races n’ont pas de frontière. 

 

Quel est le point commun entre ces différentes races ?

Elles sont toutes menacées d’abandon pour l’agriculture. Même si les effectifs augmentent, elles sont toujours en danger de disparition car leur nombre n’est pas suffisant pour assurer la survie de la race. Pour la brebis landaise par exemple, on est à 3 000 individus et il en faudrait 10 000 pour que la race soit sauvée. Donc c’est mieux qu’il y trente ans mais on a encore du travail. En tout cas, on a réussi à prouver aux éleveurs et aux pouvoirs publics que ces races locales avaient un intérêt pour l’agriculture et l’alimentation locale. Il y a trente ans, c’était du folklore. On disait que ces races n’étaient bonnes que pour Marquèze. Aujourd’hui, on voit de jeunes éleveurs se lancer. 

 

Par exemple ?

Je pense à Rémi Labescau, qui fait de la bordelaise à Pey, près de Dax ; à Juliette Tintané qui fait de la brebis landaise et qui a un bélier appartenant au conservatoire ; à Clément Baillet, président de l’association Chèvre des Pyrénées et éleveur de dindons landais… On fait aussi des conventions pour la mise à disposition de taureaux, avec des viticulteurs qui veulent installer des brebis dans leurs vignes, avec des collectivités pour l’entretien d’espaces naturels, etc. Là par exemple, à la Journée de l’élevage, on a 5 éleveurs de brebis landaises, c’est une première !

 

Quels sont les avantages de ces races autochtones ?

A la différence des grandes races de production, celles-ci ont été sélectionnées par le milieu donc elles sont adaptées à leur territoire : elles sont rustiques, peu exigeantes, demandent peu de soins et peuvent assurer une production tout en vivant dans les conditions où la ressource alimentaire est aléatoire. Les éleveurs n’amènent quasiment jamais leurs animaux au vétérinaire. Ces races ont aussi un potentiel d’adaptation au changement climatique : la brebis landaise, par exemple, est capable de maigrir pendant la période estivale quand elle est en manque de ressources. 

 

Sentez-vous un regain de curiosité pour ces races depuis quelques années ?

Tout à fait. Déjà, il y a eu toutes les missions dans l’enseignement agricole, au lycée de Dax par exemple avec qui on travaille et d’autres établissements agricoles de la région où on souhaite développer des ateliers de races locales. A cette sensibilisation des jeunes dès l’enseignement, s’ajoute un intérêt pour le territoire, le patrimoine, et pour des productions de qualité. Dans ces élevages, certes on produit moins mais que ça coûte moins aussi : on va moins chez le véto, on maintient son autonomie protéïque avec des alimentations sur la parcelle, puisque ce sont des animaux qui font principalement du pâturage et ne demandent pas ou très peu d’apports extérieurs… Mais il faut en contrepartie diversifier ses moyens de production, transformer soi-même sa production. Cela pose également pas mal de questions sur les structures d’abattage...