Subehargues, une doyenne toujours verte

Subehargues, une doyenne toujours verte

Subehargues, une doyenne toujours verte

Créée en 1946, la Cuma de Subehargues à Aire-sur-l’Adour est l’une des plus anciennes de France. Elle rassemble encore aujourd’hui une vingtaine d’adhérents, toujours animés par l’esprit d’entraide et de solidarité des débuts.

Malgré ses 84 ans, Bernard Dubosc est trop jeune pour se rappeler les débuts de la Cuma de Subehargues. Mais il a souvent entendu son père raconter l’anecdote : des voisins du quartier, tous agriculteurs, réunis un soir chez Tauziet, le plus prospère de tous. Autour de quelques bouteilles de vin blanc, celui-ci tente de les convaincre des bienfaits de ce nouveau système d’achat collectif, que la Loi du ministre-paysan Tanguy Prigent vient tout juste de rendre possible. « On pourrait acheter une batteuse américaine pour faire le foin dans tout le quartier », dit l’un. « Les aides du Plan Marshall ne vont peut-être pas durer », insiste un autre. « Elles en laissent autant par terre qu’elles en ramassent, ces machines », refroidit un troisième. Alors Tauziet se lève, passe dans la pièce d’à côté, revient et pose 1,5 million d’anciens francs sur la table. « Alors là, ils étaient tous partants ! », s’amuse Bernard Dubosc.

On est en 1946 et la Cuma de Subehargues vient de naître. C’est la première dans les Landes, l’une des premières en France. Huit décennies plus tard, ce vaste quartier bordé par l’Adour d’un côté et par le Gers de l’autre, n’a guère changé : des champs à perte de vue, des fermes à colombages ici et là, des hangars agricoles, le clocher d’une église isolée et quelques silos à grains qui brisent par endroits la ligne d’horizon.

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Mutualisation des charges

Bernard Dubosc, lui, se souvient de toutes les moissoneuses-batteuses qu’il a eu le privilège de conduire pour la Cuma pendant une quarantaine d’années : la première Massey Harris, puis l’Oliver qui a obligé à élargir tous les chemins du quartier ; la Braud 25-80 avec son siège en ferraille, sa poussière et son moteur qui l’a rendu à moitié sourd, la Braud 502 à la fin des années 60, la 650 avec laquelle on a pu enfin ramasser le maïs, la Case IH… Un véritable musée du machinisme agricole des Trente glorieuses.

Francis Saubouas, lui, est arrivé dans les années 80. La création du lac d’irrigation de la Gioule, à quelques kilomètres de là, a permis d’irriguer toute la plaine de Subehargues et rendu possible l’essor des cultures de maïs à forte valeur ajoutée. « On a acheté une nouvelle moissoneuse-batteuse et dans la foulée, on a créé un groupe « tracteur » pour aller plus loin dans la mutualisation des charges, se souvient-il. Mais si on partait tous ensemble, il ne fallait pas que chacun garde son propre matériel. Alors on a tout rassemblé dans un champ, on a fait venir quelques acheteurs et on a tout vendu pour acquérir notre matériel commun. Il y avait une grande solidarité, on ne regardait pas si on travaillait chez soi ou chez les autres. On travaillait tous pour la Cuma. »

Explosion des coûts

C’est dans ce contexte de regain, à la fin des années 80, que l’actuel président Jean-Pierre Dubicq a fait son entrée dans le collectif : « La Cuma a pris une autre dimension après la récolte de 1988 où les rendements ont explosé dans le quartier », se souvient-il. Lui qui tenait « le volant du tracteur à 3 ans » a impulsé une nouvelle dynamique au groupe désormais réduit à une petite vingtaine d’agriculteurs, contre 70 aux grandes heures de la Cuma.

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Une évolution logique compte tenu de la démographie agricole. Mais cela n’empêche pas d’innover. Depuis 2021, la Cuma de Subehargues a investi dans un nouveau tracteur, un épandeur à fumier, une presse à balles rondes, un semoir, un déchaumeur, pour plus d’un demi-million d’euros : un renouvellement quasi complet du parc matériel nécessaire à la mise en culture, avec l’aide de l’animateur de la Fédération des Cuma Fabien Artiguet, conseiller technique. « Heureusement qu’il est là pour nous conseiller et aussi, parfois, réfréner nos envies, commente Jean- Pierre Dubicq. Depuis 5 ans, les charges de mécanisation ont explosé avec l’augmentation des coûts de l’énergie, on ne peut plus faire tout ce que l’on veut. »

Le matériel est stocké sous le hangar commun de la Cuma, là-même où l’on organise depuis toujours ou presque la fête annuelle du quartier, le premier samedi de juillet. Si l’événement a changé de lieu depuis quelques années, il témoigne toujours de cette entraide et de cette solidarité propres au monde rural, dont les Cuma sont la plus parfaite expression.

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