Que sait-on des causes du dépérissement et de l’ampleur du phénomène ?
Le phénomène est dû à plusieurs facteurs entrelacés, d’où sa complexité, et il varie en fonction des zones gégographiques. En France, le facteur principal est l’engorgement des sols en eau : les racines du kiwi sont très sensibles au taux d’oxygène dans les sols et quand ceux-ci sont engorgés, ce taux diminue ce qui provoque une asphyxie racinaire. Tous les échanges au sein de la plante s’en trouvent alors limités avec les conséquences que l’on sait : sénéscence des feuilles, pourriture des racines, dépérissement de l’arbre. A cela, s’ajoutent les effets des pathogènes dans le sol. Ils sont opportunistes et profitent des conditions d’engorgement pour s’attaquer aux racines des arbres peu vigoureux et achèvent de les faire dépérir.
De quand date-t-on le phénomène ?
On l’a d’abord observé en Nouvelle-Zélande suite notamment au passage du cyclone Bola dans les années 80, puis en Italie et enfin en France depuis cinq ans, avec la perte d’une centaine d’hectares et des dépérissements assez rapides. Il existe plusieurs hypothèses à ce phénomène : le changement climatique amène une modification du régime des pluies avec des précipitations plus concentrées et plus abondantes qui dépassent les capacité de ressuyage des sols. On se retrouve avec des sols engorgés qui n’arrivent plus à évacuer les eaux. Quand le climat commence à se réchauffer et que la partie végétative de la plante se développe, les systèmes racinaires endommagés n’arrivent pas à supporter cette croissance végétative et cela mène à la mort de l’arbre. C’est donc à la fin du printemps qu’on a les plus forts dépérissements. Autres facteurs : le passage répété des tracteurs qui compactent les sols, la fatigue des sols et la présence de pathogènes opportunistes dont l'activité est favorisée par des conditions anoxiques. C’est donc un mélange de causes entre le climat et la structure physique et biologique des sols.
Quels sont les axes de recherche pour enrayer le phénomène ?
Il n’y a pas de solution miracle pour l’instant. Au BIK, on travaille sur plusieurs porte-greffes et on évalue leur comportement agronomique dans différentes conditions, sur des parcelles qui ont trois ans déjà et sur de nouvelles parcelles en cours de plantation. Ces travaux prennent du temps car il faut attendre que les arbres soient en âge de produire et ensuite évaluer leur comportement sur plusieurs campagnes pour lisser l’influence des aléas climatiques. Il faut donc au moins 7 à 10 ans.
Avez-vous du recul sur des expériences menées à l’étranger ?
Oui mais les résultats sont toujours très dépendants des conditions locales et les expériences souvent menées en conditions contrôlées. On sait que certains porte-greffes s’adaptent très bien à certains sols et contextes mais quand on les déplace sur d’autres terroirs, c’est différent. Il est donc important de les tester en France, dans les vallées de l’Adour et de la Garonne notamment. On travaille sur des portes-greffes de différentes espèces sur lesquels est greffée la variété Hayward. Par exemple, on teste la résistance du porte-greffe Bounty 71 de l'espèce Macrosperma qui a l'air prometteur dans des conditions favorables au dépérissement. Les espèces Valvatas et Rufa offrent aussi des porte-greffes intéressants et seront aussi testées. Des essais orientés sur la gestion de l'irrigation et sur l'amélioration de la qualité des sols sont également en cours.
Que peut-on préconiser aux kiwiculteurs en matière de bonnes pratiques ?
Lors de la rédaction de sa thèse sur le sujet, Marianne Avignon a testé l’apport de compost et le décompactage des sols avec un décompacteur à dents Michel. Elle a noté quelques résultats prometteurs avec une abondance de vers de terre, une densité du sol réduite, moins de résistance à la pénétration et une structure plus aérée. On a aussi observé, dans la zone Adour, une biomasse racinaire un peu plus importante avec l’apport de compost. On travaille également le volet irrigation : les essais en cours visent à identifier le système d'irrigation le plus adéquat pour la culture du kiwi. On préconise une gestion très précise de l’irrigation en fonction du besoin de la culture et du drainage du sol pour éviter les excès d’eau, surtout sur les sols sensibles.
Est-ce suffisant pour enrayer le phénomène ?
Pour l’instant, nous ne savons pas si cela suffit à rendre réversible le dépérissement lorsqu’il est enclenché. D’autres pistes sont à l’étude : faut-il équilibrer le système aérien et racinaire, en taillant de façon importante lorsque le dépérissement commence pour que les racines supportent une quantité raisonnable de végétation et que cela reparte ? C’est une hypothèse de travail. Pour l’instant on n’a pas de solution pour résoudre le dépérissement quand il a commencé mais on cherche des solutions de plusieurs natures.
Doit-on envisager un déplacement des zones de production ?
On constate que des zones deviennent moins propices qu’elles ne l’étaient. Les sols limoneux et argileux du bassin de l’Adour posent problème dans le contexte du changement climatique et de précipitations plus concentrées. Le dépérissement est plus intense en Adour (38 % des vergers) qu’en Garonne (32 %). Cela tient au sol, au climat, à l’intensité et à la durée des inondations subies. Des producteurs se posent des questions et c’est légitime. Surtout que lorsqu’on a déraciné un verger malade, on sait que le verger suivant a plus de risque de dépérir également sur la même parcelle, sans doute à cause des pathogènes présents dans le sol. Mais pour l’heure, nous nous concentrons sur les solutions qui permettent le maintien de la production sur ses zones actuelles.
Une thèse sur le dépérissement
Le 11 avril dernier, Marianne Avignon a soutenu une thèse intitulée « Le dépérissement en verger de kiwi : Compréhension des mécanismes et recherche de solutions de remédiation adaptées au contexte français ». Les travaux menés par la chercheuse, en lien avec l’Inra et le Bureau Interprofesssionnel du Kiwi, sont aujourd’hui poursuivis par Laudine Marchive, Ingénieur Recherche Expérimentation au Bureau Interprofessionnel du Kiwi.
Assistez à la réunion de restitution des travaux du BIK le jeudi 3 juillet à Carresse-Cassaber : https://www.modef40.fr/notre-actu/agenda-paysan/travaux-de-restitution-du-bik