Vers une filière d'orge landaise

Brasseurs et paysans en pleine dégustation, le 27 mai dernier à Audignon.

Vers une filière d'orge landaise

Vers une filière d'orge landaise

Le 27 mai, cultivateurs et brasseurs des Landes et des environs se sont réunis à l'invitation de l'Alpad pour poser les fondations d’une filière d’orge locale, inspirée du travail mené au Pays basque depuis bientôt dix ans.

Comme toujours avec l’Alpad (à l’origine de cette initiative), tout part du champ : il s’agit, cette fois, de pouvoir implanter une céréale d’hiver dans les rotations de cultures afin de réduire l’utilisation des pesticides et de l’irrigation notamment, tout en créant un nouveau débouché rémunérateur et… en se faisant plaisir !

Cet intérêt agronomique rejoint celui des brasseurs, à la recherche d’une meilleure traçabilité de leurs produits, de productions plus éthiques et plus locales, dans un marché de la bière artisanale qui valorise la proximité et la qualité. Il étaient six présents ce 27 mai à Audignon : la brasserie Expériment’hal, la Brasserie de Bahus, Christophe Cassague, brasseur amateur et producteur de houblon, Hervé Matabos, paysan, sans oublier Txomin Elosegi et Florian Aphecetche. Le premier est conseiller en productions végétales au sein d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG), la Maison paysanne alternative du Pays basque, et fait le lien entre les différents acteurs de la filière locale brassicole, à l’image de Florian Aphecetche, brasseur artisanal à Saint-Martin-d’Arberoue.

 

Entre 390 et 500 euros la tonne

EHLG a entamé ce travail il y a plus de 9 ans : des essais variétaux ont été effectués, puis des essais de maltage (avec envoi d’échantillons à l’Institut français des boissons de la  brasserie et de la malterie). En s’entourant de 3 à 4 brasseurs motivés par ce projet, ils ont retenu des variétés d’orge d’hiver (KWS Jaguar) et abandonné les variétés d’orge de printemps. Le plus gros problème localement étant les excès d’eau et les maladies, les enseignements actuels sont de semer tôt et de récolter tôt (avant le 15 juin). Aujourd’hui, on dénombre deux paysans en bio et deux paysans en  conventionnel qui cultivent environ 20 ha d’orge, soit entre 50 et 60 tonnes de grains. Après de nombreuses  déconvenues, ils misent désormais sur la qualité. Ils sont intransigeants sur le tri et le stockage. En effet, il est  nécessaire de stocker le grain pendant trois mois minimum pour lever la dormance des grains. Les graines devant germer lors du maltage.

En parallèle, Florian Aphecetche a mis plusieurs années pour créer une malterie artisanale sur sa  ferme à Saint-Martin-d’Arberoue. Son objectif est de transformer l’orge produite localement en malt.  Son projet est dimensionné pour des lots de deux tonnes et il vise la transformation annuelle de  200 tonnes. Sa malterie fonctionne depuis plusieurs mois et les résultats obtenus sont plutôt  encourageants. A terme, l’objectif est d’acheter l’orge en conventionnel autour de 390€/t et 500€/t  en bio aux paysans locaux. Il compte également acheter de l’orge en Navarre (région céréalière d’Espagne) à des tarifs plus compétitifs. Il produit trois types de malts : pale, Munich et pils. Il faut compter 1 kg d’orge pour produire environ 0,8 kg de malt. Avec l’orge locale, le  prix final du malt est de 1,21€/kg HT.

 

Une culture à créer

Les Landais ne sont pas en reste : il existe dans le département une quinzaine de brasseries artisanales. Leur production oscille entre quelques dizaines et centaines d’hectolitres. Les deux plus importantes (Brasserie Cath’ et Brasserie Naturelle des Landes) atteignent presque le millier d’hectolitres chacune. Pour réaliser 100 litres de bières, soit 1 hectolitre, il faut environ 25 kg de malt d’orge. Le tonnage de malt total est donc assez limité, aux alentours de 7t/brasserie en moyenne. Avec un rendement théorique de 45 à 50 q/ha en conventionnel et 25-30 q/ha en bio, cette micro filière pourrait représenter une cinquantaine d’hectares pour satisfaire les besoins locaux en bière artisanale.

Mais les brasseurs artisanaux font remarquer que les Landais n’ont pas vraiment la culture de la bière, il n’y a qu’à voir ce qui est servi en feria... La bière artisanale est surtout consommée hors domicile lors d’événement privés. Ils n’en restent pas moins confiants vis-à-vis de leurs produits, car la consommation est en hausse et la demande également, notamment pour des  produits locaux. Les comportements changeront-ils pour moins mais mieux ? Un autre frein identifié, est comme souvent, la domination de la filière du malt français par de gros industriels qui écrasent toute concurrence.

  

Quelles suites ?

La logique serait de calquer la filière basque qui compte plusieurs années d’avance. Un label est en cours de création et devrait être lancé cet automne. Côté basque, de grosses brasseries existent (Bob beer, La brasserie du Pays basque…) et  utilisent plusieurs centaines de tonnes d’orge. Dans les Landes, les deux brasseurs présents se sont montrés intéressés pour réaliser des essais avec le malt basque, puis landais quand il y en aura. La dégustation des bières produites avec le malt basque ayant été positive. Le surcoût pourrait être absorbé si la qualité est au rendez-vous. Il est prévu de semer de l’orge dès cet automne sur 1 à 2 ha pour commencer. Une prochaine rencontre sera organisée à l’automne, chez un brasseur, sur une parcelle ou à la malterie. En parallèle, d’autres céréales à malter seront identifiées : millet, sarrasin, seigle, blé… Quant au houblon, il en existe un seul producteur dans les Landes. En un mot, tout reste à faire !

 

Article rédigé par l’Alpad dans le cadre de programmes d’actions financés par la Région Nouvelle-Aquitaine et l’Europe (Feader).

 

Maltage : mode d’emploi

1. Humidifier le grain pendant 2 jours pour qu’il atteigne 42 % d’humidité.

2. Germination en chambre tempérée (15°C) pendant 3 à 5 jours pour activer la dégradation de l’amidon en sucre fermentescible.

3. Le touraillage qui consiste à sécher puis chauffer l’orge pour lui donner son goût plus ou moins prononcé.

4. Le dégermage, en passant le grain dans une brosse à blé.

5. Ensachage et expédition.